Le monde du jeu vidéo voit chaque année des centaines si ce n’est des milliers de nouveaux titres. Certains deviennent des phénomènes mondiaux, alors que d’autres peinent à trouver leur public. Enfin, une poignée, malgré la qualité, tombent dans l’oubli. Cette réalité, souvent douloureuse pour les développeurs passionnés, soulève un questionnement : pourquoi d’excellents jeux/titres restent-ils dans l’ombre ? Alors que d’autres, parfois moins brillants (en toute objectivité), captivent des millions de joueurs ? La réponse tient souvent en un seul mot : le marketing. Et plus particulièrement, le rôle ultra-sous-estimé du storytelling dans le jeu vidéo.
En tant que développeurs de jeux vidéo, votre jeu est tel une œuvre d’art, un mélange complexe d’ingénierie, de design et de créativité (et surtout de beaucoup de code indéchiffrable pour le commun des mortels). Vous passez des années à peaufiner des mécaniques de gameplay, à créer des mondes immersifs et à penser des récits captivants. Mais si le monde ne connaît pas l’existence de ces univers, ou si l’histoire que vous avez mis tant de cœur à bâtir, échoue à toucher les bonnes personnes, alors même la pierre précieuse la plus étincelante peut rester enfoui.
Dans cet article, je vous propose d’explorer en profondeur comment un bon storytelling peut transformer un jeu « incroyable mais inaperçu » en un succès retentissant digne des plus grands AAA. Pour ce faire, nous aborderons les erreurs courantes, les principes fondamentaux d’un bon storytelling, et des actions concrètes pour que votre prochaine création obtienne la reconnaissance qu’elle mérite.
Le paradoxe du "banger" mais inaperçu
Je suis convaincu que chaque développeur, a dans un coin de sa tête, le souvenir d’un jeu indé qui, selon lui, aurait dû connaître un succès stratosphérique. Un gameplay innovant avec une direction artistique sublime ainsi qu’une narration poignante. Et pourtant… les ventes n’ont jamais décollé. Pourquoi ? La communauté n’a jamais décollé. Des millions de joueurs potentiels n’ont jamais ne serait-ce qu’eu vent de son existence. Et quand bien même s’ils l’ont eu, n’ont pas été convaincus de l’essayer.
Le bruit ambiant : le marché est saturé. Des centaines de jeux sortent chaque semaine sur les différentes plateformes (steam, itch.io, etc). Sans une stratégie de communication bien établie, votre jeu est noyé dans la masse.
La peur de l’inconnu : les joueurs (comme tout le monde d’ailleurs) sont sollicités de toutes parts. Ils ont tendance à se diriger vers ce qu’ils connaissent ou ce qui est fortement recommandé. Vous dormez mieux dans votre lit plutôt qu’à l’hotel par exemple. Un jeu sans résonance claire est un risque.
Le focus produit contre le focus joueur : l’une des règles d’or du marketing est de toujours agir en fonction de sa cible. En tant que créateurs, vous êtes naturellement obsédés par votre jeu. C’est normal. Ses fonctionnalités, ses performances, ses graphismes. En revanche le joueur, lui, cherche une expérience, une émotion, une histoire à vivre dont il serait le protagoniste (ou le héros). Si votre marketing ne parle que de fonctionnalités, il manquera de toucher sa cible émotionnelle.
Le syndrome du « si c’est bon, ça se vendra tout seul » : c’est une erreur classique mais très coûteuse. La qualité intrinsèque est certe fondamentale, mais elle ne garantit pas nécessairement la visibilité. La promotion n’est pas un mal nécessaire, c’est une composante intégrale de la réussite. Quand un film s’apprête à sortir en salle, il est très courant que les acteurs principaux soient interviewés sur les grandes chaînes de télévision.
C’est ici que le storytelling entre en jeu. Il ne s’agit pas de vendre une histoire, mais d’utiliser l’art de raconter des histoires pour vendre votre jeu. Créant un pont entre votre création et l’imagination de votre audience.
"Storyteller" dans le jeu vidéo, bien plus qu'une bande-annonce
Lorsque nous parlons de « storytelling » pour le jeu vidéo, il ne s’agit pas uniquement de la narration du jeu lui-même. C’est l’art de construire un récit autour de votre jeu, ce même récit qui va capturer l’essence de votre création, là connecter aux désirs et aux émotions des joueurs, pour enfin la distinguer de la concurrence.
Un storytelling efficace se décline selon plusieurs aspects.
1) L'histoire du jeu lui-même, vue par les yeux du joueur
L’accroche émotionnelle, ou le « hook » : qu’est-ce qui va faire vibrer le joueur ? Un mystère à résoudre ? Une quête héroïque ? Une angoisse à fuir ? Votre storytelling doit distiller ces émotions intenses dès les premières secondes.
Les thématiques universelles : votre jeu parle-t-il d’amour, de perte d’un être cher, de rédemption, de pouvoir, de vengeance ? Ces archétypes (ou modèles) sont de puissants leviers pour connecter votre jeu à l’expérience humaine des joueurs.
L’identification : à qui le joueur va-t-il s’identifier ? Quel rôle va-t-il jouer dans votre univers ? Mettez l’accent sur l’identité du joueur (c’est obligatoire selon moi).
2) L'histoire de votre studio, votre vision
La passion et le défi : racontez votre parcours. Les obstacles que vous avez surmontés, les nuits blanches, la vision originale. Ces éléments humanise votre studio et créé un lien émotionnel.
Les inspirations : qu’est-ce qui vous a inspiré ? D’autres jeux, des livres, des films, des expériences personnelles, des personnes ? Partager ces sources d’inspiration peut attirer des joueurs qui partagent les mêmes sensibilités et centres d’intérêts.
Votre philosophie : quel type d’expérience cherchez-vous à créer ? La camaraderie ? La réflexion ? La compétition pure ? Exprimez ces intentions clairement.
3) L'histoire de la communauté
Le sentiment d’appartenance : Invitez les joueurs à faire partie d’une aventure (là vôtre), à découvrir un monde qui leur est destiné (à eux uniquement).
L’anticipation : Créez de l’excitation en découpant des informations, en proposant des teasers, en engageant votre audience dans le développement (accès anticipé, bêta-tests).
Les piliers en béton armé d'un storytelling percutant pour un jeu vidéo
Pour transformer ces concepts en actions concrètes, concentrons-nous sur les éléments clés d’un storytelling efficace pour le jeu vidéo.
1) Connaître votre profil (archétype) de joueur
Utilisez des personas comme en marketing. Créez des profils détaillés de vos joueurs cibles, en allant au-delà des données démographiques (âge, taille, etc) pour inclure leurs motivations, leurs peurs, leurs désirs vidéo-ludiques.
En comprenant leurs profil, vous saurez quels mots utiliser, quelles émotions activer, et quels éléments de votre jeu mettre en avant our les interpeller directement.
2) Le "pourquoi" : au-delà du "quoi" et du "comment"
Le « comment » : Il utilise un système de combat innovant basé sur les arcanes et propose un arbre de compétences non linéaire.
Le « pourquoi » : « Nous avons créé ce RPG pour offrir aux joueurs une liberté tactique sans précédent, pour qu’ils puissent se sentir les maîtres de leur destin dans un monde où chaque décision compte, brisant les conventions des mécaniques répétitives pour une expérience de jeu profondément stratégique et personnelle ».
Le « pourquoi » est l’émotion, la promesse, la raison d’être. C’est ce qui connecte votre travail à l’aspiration du joueur.
3) Des histoires visuelles et sonores : l'essence du jeu vidéo
Bandes-annonces qui racontent une histoire : plutôt que d’être de simples compilations de gameplay, vos trailers doivent avoir un arc narratif. Introduire un conflit, présenter des personnages, susciter une émotion (peur, excitation, émerveillement) et laisser le spectateur sur sa faim. Pensez à l’introduction d’un film.
Visuels impactants : chaque capture d’écran, chaque illustration doit raconter une micro-histoire. Que se passe-t-il dans l’image ? Quelle émotion véhicule-t-elle ?
Sound design : les effets sonores de vos supports doivent immerger le joueur et renforcer le message émotionnel.
4) La cohérence du récit à travers tous les canaux
Page Steam/boutique : le texte, les images, la description du jeu, les balises – tout doit raconter la même histoire, renforcer le même message.
Réseaux sociaux : chaque post est une opportunité de construire votre récit. Partagez des anecdotes de développement, des « lore bits », des interactions avec des personnages.
Relations presse : le message clé que vous transmettez aux journalistes et influenceurs doit être en harmonie avec votre storytelling global. Fournissez-leur des « angles » narratifs.
Votre site web (si vous en avez un) : un foyer pour tout votre contenu narratif, avec des sections dédiées à l’univers, aux personnages, à l’équipe.
5) L'art de la "petite histoire"
Des extraits de dialogue éloquents : une phrase culte, une réplique amusante, une ligne menaçante.
Des extraits de lore (ps : j’adore le lore) : Un passage d’un journal de bord, la description d’une créature mystique.
Des « dev diary » axés sur l’humain : Partagez les histoires de votre équipe, les défis créatifs, les moments de joie.
Ces petites histoires construisent une tapisserie narrative plus grande, enrichissant l’expérience du public avant même qu’il ne lance le jeu.
Du storytelling pour votre jeu vidéo à l'action : mesurer l'impact
Appels à l’action clairs : chaque élément de votre storytelling doit orienter le joueur vers une action. « ajoutez à votre liste de souhaits », « suivez-nous sur [nom de la plateforme] », « téléchargez la démo », « commandez le jeu ». Assurez-vous que ces appels à l’action soient pertinents et bien placés.
Engagement sur les réseaux sociaux : mesurez les commentaires, les partages, les réactions à vos posts narratifs. Quels types d’histoires résonnent le plus ?
Taux de clics (CTR) : sur vos publicités et vos liens. Un bon storytelling augmente l’intérêt et donc le CTR (clic through rate).
Conversion (wishlists, précommandes, ventes) : le but ultime. Un storytelling efficace se traduit directement par un intérêt accru pour votre jeu.
Investir dans un storytelling robuste pour son jeu vidéo, ce n’est pas simplement faire de la publicité. C’est donner une voix à votre création, lui offrir la chance de rencontrer son public. C’est permettre à ces mondes incroyables que vous bâtissez de ne plus rester inaperçus.
Conclusion : l'héritage d'une bonne histoire pour votre jeu vidéo
Les jeux sont des histoires interactives. D’une certaine manière, chaque ligne de code est une phrase, chaque asset est un paragraphe. Votre travail est de transformer ces éléments en un récit cohérent qui résonne avec le joueur. Le storytelling ne devrait pas être une réflexion après coup, une simple case à cocher. Il devrait être une extension naturelle de votre processus créatif, utilisant les mêmes principes de narration pour forger une connexion émotionnelle.
Pour tous les développeurs passionnés qui craignent que leur prochain chef-d’œuvre ne tombe dans l’oubli : votre jeu a une histoire. Votre studio a une histoire. Le joueur que vous cherchez à atteindre a une histoire. En alignant ces récits avec un storytelling efficace, vous transformez le risque d’invisibilité en une opportunité de créer un héritage.
Faites de votre marketing une histoire aussi captivante que le jeu que vous avez créé. C’est la clé pour qu’un jeu ne soit pas seulement incroyable, mais inoubliable.
Et si vous avez envie de donner à votre jeu la visibilité qu’il mérite, contactez moi pour discuter de votre projet !
